Selon une récente annonce du gouvernement français, une baisse de salaire pour les apprentis entrera en vigueur dès le 1er mars 2025. Cette mesure, qui provoque déjà de vives réactions, s’inscrit dans le cadre d’une réforme plus large visant à réduire les dépenses publiques.
Cette décision, qui pourrait affecter des milliers de jeunes travailleurs à travers le pays, soulève de nombreuses questions. Quels seront les impacts réels de cette baisse de salaire sur le quotidien des apprentis ? Comment les entreprises et les secteurs d’activité vont-ils réagir ? Retour sur une mesure controversée qui pourrait bouleverser le paysage de l’apprentissage en France.
Projet de loi de Financement de la Sécurité Sociale 2025 et ses impacts sur les apprentis
Le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2025 (PLFSS) envisage une modification notable des rémunérations des apprentis dès le mois de mars. Auparavant, ces derniers bénéficiaient d’une exonération des charges sociales jusqu’à 79% du salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic), soit 1 800€ bruts, sans être assujettis à la Contribution Sociale Généralisée (CSG) ni à la Contribution au Remboursement de la Dette Sociale (CRDS). Le PLFSS envisage d’abaisser ce plafond d’exonération à 50% du Smic. Ainsi, les apprentis percevant plus de 900€ bruts seront soumis à la CSG (9,2%) et à la CRDS (0,5%).
📋 Charge |
Taux |
---|---|
CSG |
9,2% |
CRDS |
0,5% |
Exonération actuelle |
79% du Smic |
Exonération prévue |
50% du Smic |
D’après le magazine Capital, un apprenti rémunéré au Smic s’acquitterait désormais de 198€ bruts de charges sociales. L’Etat table sur une rentrée de 1,2 milliard d’euros grâce à la CSG et 64,6 millions provenant de la CRDS.
Jean-Philippe Audrain, président de la Fédération Nationale des Directeurs des Centres de Formation (Fnadir), met en garde contre une possible augmentation des abandons et des ruptures de contrat suite à cette mesure.
Modification du salaire des apprentis à compter du 1er mars 2025
À partir du 1er mars 2025, il y aura une modification significative dans la rémunération des stagiaires en apprentissage ou en contrat de professionnalisation.
Cette modification survient malgré le fait qu’il n’y ait eu aucune augmentation du SMIC depuis novembre 2024, qui reste à 1 801,80 euros bruts mensuels.
La rémunération d’un apprenti est déterminée en fonction du SMIC ou du salaire minimum conventionnel de branche (SMC) si celui-ci est plus avantageux.
- Pour un apprenti âgé de moins de 18 ans en première année, sa rémunération s’élève à 27% du SMIC, c’est-à-dire à 486,49 euros.
- Tandis que pour un apprenti âgé de 26 ans et plus, sa rémunération équivaut à 100% du SMIC, soit 1 801,80 euros.
- Un alternant en contrat de professionnalisation, âgé de moins de 21 ans et possédant un diplôme inférieur au baccalauréat, perçoit une rémunération équivalente à 55% du SMIC, soit 990,99 euros.
- Quant à un alternant âgé de 26 ans et plus, sa rémunération est de 100% du SMIC, soit 1 801,80 euros.
Les salaires des alternants sont ajustés en fonction de l’âge, du niveau de formation et de l’année d’exécution du contrat.
Une perte pouvant atteindre 146€ / mois : témoignage d’un expert
Aujourd’hui, nous rencontrons Christophe, responsable d’un centre de formation en apprentissage, qui a accepté de partager son point de vue sur les récentes réformes prévues dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025. Ces changements affecteront directement les apprentis en réduisant les exonérations de cotisations sociales et en assujettissant davantage leur salaire à la CSG et la CRDS. Christophe, qui est dans le secteur depuis plus de 15 ans, nous explique ce que ces réformes impliquent pour les jeunes en formation et les établissements comme le sien. L’entretien se déroule en vidéoconférence, et il est attentif aux préoccupations des apprentis qu’il suit.
Christophe, tu gères un centre de formation en apprentissage depuis plusieurs années. Que penses-tu des mesures prévues par la loi de financement de la Sécurité sociale 2025 concernant la réduction des exonérations des cotisations sociales pour les apprentis ?
Les mesures de la PLFSS 2025, qui réduisent le plafond d’exonération des cotisations salariales, risquent de peser lourdement sur les apprentis, surtout ceux qui gagnent un salaire proche du Smic. Actuellement, l’exonération est un des leviers essentiels qui rendent l’apprentissage plus attractif pour les jeunes. Cela permet à beaucoup d’entre eux de bénéficier d’un soutien financier pour compenser la nature souvent modeste de leur rémunération. Avec cette réforme, la part du salaire exonéré passera de 79 % à 50 % du Smic, ce qui entraîne une perte nette significative. Un apprenti payé au Smic pourrait perdre jusqu’à 146 euros par mois, ce qui est loin d’être négligeable, surtout pour ceux qui n’ont pas d’autres sources de revenus.
Tu parles d’une perte conséquente. Comment penses-tu que cela impactera la motivation des apprentis dans leur parcours ?
L’impact pourrait être très démoralisant pour beaucoup de jeunes. L’apprentissage est souvent choisi par des jeunes motivés par la perspective de se former tout en travaillant, mais avec un salaire modeste. Les exonérations de charges sociales représentaient un véritable soutien et les apprenti·e·s se retrouvaient souvent avec une rémunération qu’ils pouvaient tout de même gérer pour vivre. Cette perte de revenu risque de créer un sentiment d’injustice, surtout pour ceux qui sont déjà dans une situation financière fragile. De plus, les jeunes qui choisissent l’apprentissage sont conscients qu’ils doivent faire des sacrifices pour se former, mais si ces sacrifices sont amplifiés par une diminution des exonérations, ils pourraient se sentir découragés.
Pourtant, cette réforme vise aussi à alléger le poids des exonérations pour l’État. Quel est ton avis sur cet aspect de la loi ?
Je comprends l’objectif derrière cette réforme : l’État cherche à réduire son déficit et à alléger la charge liée aux exonérations fiscales. Mais la question qui se pose, c’est jusqu’à quel point ces réformes risquent de déstabiliser un secteur clé pour l’insertion des jeunes. L’apprentissage est une passerelle essentielle vers l’emploi, notamment pour les jeunes qui n’ont pas toujours accès à des formations longues ou universitaires. Réduire les exonérations, c’est risquer de décourager les employeurs de recruter des apprentis, surtout ceux des petites entreprises, qui sont sensibles à ce type de charges. En fin de compte, ça pourrait freiner le dynamisme du marché de l’apprentissage.
Tu évoques les employeurs. Quel impact vois-tu sur les entreprises, notamment celles de taille plus petite, qui recrutent des apprentis ?
C’est là un autre problème. Les petites entreprises, qui représentent une part importante des employeurs d’apprentis, pourraient être particulièrement touchées. Une réduction des exonérations de charges pourrait les amener à reconsidérer leur politique d’embauche. Elles pourraient être moins incitées à prendre des jeunes en apprentissage si les avantages financiers sont diminués. Ce genre de réforme peut affecter l’équilibre fragile entre l’employeur, qui cherche à minimiser ses coûts, et le jeune, qui a besoin de cette formation pour se lancer professionnellement. Les petites structures pourraient également ressentir un manque de soutien, et celles qui ont déjà du mal à offrir un salaire intéressant pourraient abandonner l’idée de former des apprentis.
Tu as mentionné un « équilibre fragile ». Comment les centres de formation, comme le tien, se retrouvent-ils au centre de cette dynamique ? Quel rôle joue-t-on dans ce contexte ?
Les centres de formation en apprentissage jouent un rôle pivot, en agissant comme un médiateur entre l’apprenti, l’employeur et les institutions. Nous avons toujours cherché à maintenir cet équilibre, en aidant les jeunes à trouver des entreprises où ils peuvent se former, tout en les accompagnant dans leur développement personnel et professionnel. Toutefois, si les coûts pour les entreprises augmentent et que la rémunération des apprentis diminue, cela complique notre travail. Nous risquons de perdre des employeurs potentiels, et donc moins de places pour nos jeunes. Il est crucial que l’État continue d’investir dans l’accompagnement des jeunes en formation, et non seulement dans des réductions fiscales pour les entreprises. Nous devons veiller à ce que l’apprentissage reste un levier efficace pour la jeunesse.
Et du côté des apprentis, comment peuvent-ils réagir face à ce changement de situation financière ? As-tu des conseils pour eux ?
Mon conseil serait de ne pas perdre de vue la finalité de leur parcours : l’apprentissage est avant tout un tremplin pour l’emploi. Certes, la perte financière est significative, mais l’expérience acquise, les compétences développées et le diplôme qu’ils obtiennent à la fin valent encore énormément. Je leur dirais aussi de chercher des solutions, comme des aides locales, des primes à l’installation ou des aides au transport, qui peuvent alléger cette perte. Enfin, il faut qu’ils sachent que de nombreuses entreprises restent très investies dans la formation des jeunes et que l’apprentissage, bien qu’il passe par des ajustements économiques, reste une voie royale pour démarrer une carrière.
Pour conclure, Christophe, que faudrait-il pour que cette réforme soit plus équilibrée et juste pour tous les acteurs, y compris les apprentis ?
Je crois que pour rendre cette réforme plus juste, il serait nécessaire de compenser les pertes financières des apprentis par des mesures alternatives, comme une augmentation des aides directes aux jeunes en formation ou un soutien renforcé pour les employeurs qui continuent de recruter des apprentis. L’objectif, à mon sens, ne devrait pas être uniquement de faire des économies pour l’État, mais aussi de garantir que l’apprentissage reste une véritable opportunité pour tous les jeunes. Une solution pourrait être d’intégrer des aides spécifiques pour les jeunes qui sont en difficulté financière, ou encore de repenser les exonérations en fonction du type de contrat ou de secteur, pour préserver l’attractivité de la formation par l’apprentissage.
Christophe conclut en soulignant la nécessité de réformes plus nuancées, qui prennent en compte les réalités économiques des jeunes et des petites entreprises. Pour lui, l’avenir de l’apprentissage repose sur un juste équilibre entre soutien public, réformes fiscales et volonté d’accompagner les jeunes vers l’insertion professionnelle.
Conséquences de la réforme sur le pouvoir d’achat des apprentis
Face à ce changement majeur, une dégradation du pouvoir d’achat des apprentis est à prévoir. Cette politique, qui vise à renflouer les caisses de l’État, pourrait avoir des effets pervers. L’augmentation des charges sociales risque d’encourager les employeurs à favoriser des contrats d’apprentissage moins rémunérateurs, afin de limiter l’impact de ces nouvelles charges sur leur trésorerie.
Cette réforme peut potentiellement dissuader de nombreux jeunes de choisir l’apprentissage comme voie d’insertion professionnelle. La diminution de la rémunération nette, liée à l’augmentation des prélèvements, pourrait rendre cette option moins attractive, notamment pour les apprentis issus de milieux modestes.
Cette décision gouvernementale pourrait avoir un impact sur les centres de formation. La baisse de la rémunération des apprentis pourrait entraîner une baisse des inscriptions, et par conséquent, une baisse des ressources pour ces centres. A long terme, cela pourrait même menacer leur viabilité.